La sonnette d’alarme est venue du Comité élargi de politique monétaire, réuni à Kinshasa le mardi 16 février 2010. Il y a bel et bien, sur le compte général du Trésor, un feu qui risque de consumer l’ensemble des marchés. Et comme toujours, le gouvernement est pointé du doigt. Les effets collatéraux ne s’étant pas fait attendre, de légères tensions sont déjà signalées sur le marché des changes. Du fait que, malgré les excédents de ces derniers jours, le gouvernement dépense à un rythme effréné, mettant en péril l’équilibre du compte du Trésor. mauvais presage à deux semaines d’une mission cruciale du FMI en RDC.
Un feu couve sous les finances publiques de la République démocratique du Congo. Le Comité de politique monétaire (CPM), organe technique siégeant au niveau de la Banque centrale du Congo - élargi depuis sa première réunion du 22 janvier 2010 aux experts de la Présidence, de la Primature, des ministères des Finances et du Budget -, parlant d’une seule voix, en a fait mention lors de sa réunion du 16 février 2010.
Faisant le point de la situation des indicateurs pertinents de la conjoncture à la date du 15 février 2010, le CPM aboutit à une conclusion qui reflète tout le danger qui ronge les opérations financières de l’Etat. Sentant péril en la demeure, il a tiré la sonnette d’alarme.
« Sur le marché des changes, il a été relevé une appréciation de 1,1 % du taux de change tant sur les marchés interbancaire, libre que parallèle après l’intervention de la BCC le 28 janvier 2010 d’un montant de 10 millions Usd. On note cependant une résurgence de légères tensions sur le marché des changes, principalement sur le segment du marché parallèle à partir du 10 février », a-t-il constaté.
Le paradoxe est évident, lorsqu’il rapproche la situation à l’exécution du plan de trésorerie de l’Etat.
Sur ce point, souligne le CPM, « il a été observé que l’exécution du plan de trésorerie de l’Etat a dégagé des excédents de trésorerie aux 15 premiers jours du mois de février. Cependant, il a été observé l’augmentation des dépenses publiques avec risque de détériorer le solde des opérations financières de l’Etat et d’exercer des pressions sur la demande des devises au cours de la deuxième semaine du mois en cours ».
Comment, dans une situation d’excédents budgétaires, expliquer la résurgence des tensions, si légères soient-elles, sur le marché des changes ? Pour le CPM, la situation, qui prévaut actuellement sur le marché des changes, est invraisemblable.
En cause, révèle-t-il dans ses conclusions, le laxisme qui caractérise actuellement le gouvernement dans les opérations financières exécutées sur le compte du Trésor.
PARADOXE
Le CPM insiste sur « la nécessité, pour le Trésor, de tempérer le rythme de consommation des excédents de trésorerie (…) afin d’éviter de nourrir des anticipations » qui déstabilisent le marché des changes.
Voilà une mauvaise nouvelle, à deux semaines de l’arrivée à Kinshasa de la mission du Fonds monétaire international pour la première revue du PEG 2. Celle-ci est censée ouvrir la voie au point d’achèvement de l’initiative PPTE.
Que s’est-il donc passé pour en arriver à cette situation ? Y a-t-il eu relâchement à quelque niveau de l’exécutif ? Existerait-il un dysfonctionnement difficile à maîtriser dans le fonctionnement de la chaîne de la dépense publique ?
A ces interrogations, des réponses précises doivent être apportées rapidement pour éviter que les prochaines négociations avec le FMI achoppent une fois de plus sur des fondamentaux. C’est-à-dire, le dérapage des finances publiques, le taux des changes et le taux d’inflation..
Si la Banque centrale du Congo fait une bonne lecture de l’évaluation au 12 février 2010 des indicateurs quantitatifs du Programme conclu avec le FMI (PEG 2), notamment le respect des plafonds des avoirs intérieurs et extérieurs nets ainsi que du crédit net à l’Etat, il y a de bonnes raisons de s’inquiéter. En effet, la résurgence des tensions sur le marché des changes est le signe d’un relâchement dans la mise en œuvre des actions prévues dans le cadre du PEG 2. Malheureusement, ce relâchement est lourd de conséquences parce qu’il risque de compromettre toutes les chances de la RDC de prétendre au point d’achèvement à fin juin 2010.
Bien conscient du danger, le CPM, sans identifier nommément le coupable de ce qui pourrait advenir comme débâcle sur le PEG 2, recommande une série d’actions « à qui de droit » pour recadrer la trajectoire et sauver le navire PEG 2 d’un éventuel naufrage.
Le mardi 16 février 2010, le vice-président du CPM et directeur général de la politique monétaire et des opérations bancaires a calmé les esprits en relativisant l’impact sur les fondamentaux (taux d’inflation et taux de change). Le CPM, a-t-il dit, n’a pas cédé à la panique en maintenant notamment le statu quo dans les principaux instruments de politique monétaire.
Au regard de la situation économique à la date du 15 février 2010, il a noté que le CPM a, s’agissant du taux d’intérêt directeur, décidé du « maintien à son niveau actuel, soit 70,0 % compte tenu des tensions observées sur le segment parallèle du marché des changes et ce, en dépit de la tendance baissière de l’inflation en rythme annuel ».
EVITER LE NAUFRAGE
Le coefficient des réserves obligatoires à été aussi maintenu à 7,0 %, alors que, concernant les Billets de trésorerie (BTR), le CPM a décidé de garder une fourchette crédible pour une meilleure régulation des liquidités. Pas question, pour le moment, d’amener la Banque centrale du Congo à intervenir sur le marché par la vente des devises, une telle option ne pouvant être envisagée qu’en cas de « nécessité d’atténuer la volatilité du marché des changes », a-t-il opté.
A l’analyse, le plus important des avis émis par le CPM est celui fait à l’Etat, représenté en pareilles circonstances par le gouvernement. Compte tenu de l’urgence, le CPM a recommandé à l’Etat : « la nécessité pour le Trésor de tempérer le rythme de consommation des excédents de trésorerie sur une courte période en limitant le volume des décaissements et ce, en raison de l’exiguïté du marché des changes afin d’éviter de nourrir les anticipations; le maintien de la gestion sur base caisse en vue de prévenir toute détérioration de la position nette du gouvernement ; l’intérêt de fournir régulièrement au Sous-comité technique des prévisions de la liquidité toutes les informations utiles sur les dépenses de l’Etat dans le cadre de la prévision de la liquidité ».
Les avis formulés par le CPM - résultat des délibérations techniques entre les experts aussi bien de la Banque centrale du Congo, de la Présidence, de la Primature que des ministères directement impliqués dans la mise en œuvre du PEG 2 (Finances et Budget) – parlant un même langage, traduisent toute l’étendue du désastre et des dérapages des finances publiques qui continuent. Ce n’est ni plus ni moins qu’un cri d’alarme des gardiens « du temple », les experts qui veillent au grain pour la réussite du PEG 2.
Il revient au gouvernement de jouer sa partition pour éviter au PEG 2 de sombrer dans le trou noir. A l’évidence, la maison brûle. Bien visibles, les petites flammes apparaissent sous la forme d’« une résurgence de légères tensions sur le marché des changes, principalement sur le segment du marché parallèle ».
Certes, le feu n’a pas encore atteint les fondations du PEG
2. N’empêche qu’il faille déjà éteindre les flammes susceptibles de se
transformer en un brasier difficile à maîtriser et susceptible de
causer d’importants dégâts, notamment le renvoi aux calendes grecques
du point d’achèvement de l’initiative PPTE.,
Par Le Potentiel