LE SYNDICAT : PRINCIPES DE BASE ET ELEMENTS D’HISTOIRE
Le présent module comme son titre l’indique, porte sur les éléments essentiels de base pour la connaissance du syndicat. Les objectifs visés par son étude sont de permettre d’être capable de :
- définir le syndicat et maîtriser ses structures et ses normes d’organisation
- analyser les conditions économiques, politiques et sociales de sa naissance aussi bien en Europe, en Afrique qu’au Burkina Faso
PREMIERE PARTIE : PRINCIPES DE BASE DU SYNDICALISME
I. Définition et rôle du syndicat
Les conditions de travail :
· les salaires
· nombre d’heures de travail
· les cadences
· l’hygiène et la sécurité
· le respect de la dignité du travailleur etc.
I.1. Définition :
Les conditions de vie
· le logement
· la salubrité
· les congés payés
· les soins de santé et l’éducation pour le travailleur et sa famille.
I.1.1 Rôle du syndicat :
Comme mentionné plus haut, le rôle premier du syndicat est la lutte pour l’amélioration des conditions de vie et de travail de ses membres (obtention de meilleures conditions de vente et d’utilisation de la force de travail). Quatre fonctions doivent être remplies dans ce sens :
- Une fonction revendicative : C’est le rôle premier du syndicat ; elle consiste en l’élaboration d’une plate forme revendicative (cahier de doléances) qui synthétise les préoccupations des travailleurs à un moment donné. Cette plate-forme est présentée au patronat pour satisfaction. Elle peut faire l’objet de négociations. Selon l’attitude du patronat d’autres actions peuvent être entreprises pour obtenir cette satisfaction : grève, sit-in, manifestations de rue (démonstration), occupation d’usine etc.
- une fonction éducative : Il s’agit de toutes les actions entreprises par le syndicat pour la formation de ses membres : AG, Congrès, séminaires, colloques, meetings, les journaux du syndicat, les tracts etc. Il s’agit d’armer ses membres pour une meilleure défense de leurs intérêts.
- une fonction représentative : le syndicat représente ses militants dans la vie civile. C’est dans ce cadre que le patronat est tenu de recevoir ses dirigeants ; qu’il peut engager des actions, ester en justice etc.
- une fonction normative. Pour ce faire, il doit œuvrer pour l’obtention d’une meilleure législation de travail en faveur des travailleurs : Code du travail, conventions collectives, statut de la fonction publique etc.
- Une fonction sociale : Créer et gérer les œuvres sociale à l’avantage de ses adhérents (coopératives, mutuelles, cantines, jardins d’enfants etc….).
II. Structuration du syndicat
C’est la forme selon laquelle le syndicat est construit. Deux formes de structures sont à distinguer
II.1 : Les structures organiques
On distingue :
Elle regroupe les militants d’une même profession dans une localité donnée. Les sections locales d’une ville, d’un département ou d’une province peuvent se regrouper en union locale.
Il regroupe les travailleurs d’une même profession, organisés au niveau national
Elle regroupe tous les syndicats d’une même branche d’activité au niveau national
C’est une union de plusieurs fédérations au plan national.
II.2 : Les structures administratives
Elles sont de plusieurs ordres
Elle regroupe les travailleurs sur un lieu donné pour discuter des problèmes des travailleurs et prendre des décisions : négociations, grèves, manifestations etc.
C’est une AG où tous les membres du syndicat sont représentés par un certain nombre de délégués. Le congrès définit les orientations majeures à suivre par le syndicat et élit ses organes dirigeants. Il se tient selon une périodicité déterminée.
Il se tient entre deux congrès et fait le point de l’application des décisions du congrès
C’est l’organe exécutif élu au congrès et chargé d’en appliquer les décisions et celle du
conseil
Ce sont les organes de direction élus par les assemblées de ces structures.
Elles visent à faciliter les tâches du bureau. Elles sont spécialisées pour plus d’efficacité. Elles traitent de problèmes particuliers ou étudient des thèmes de nature à éclairer le bureau ou l’ensemble du syndicat.
III. Les principes organisationnels
Certains principes organisationnels régissent la vie des syndicats
III .1 Le Centralisme démocratique
La démocratie existe au sein du syndicat. On parle ainsi de démocratie syndicale. Toutes les questions concernant sa vie doivent être discutées dans ses différentes structures et instances ci-dessus citées. Les décisions sont prises en fonction des dispositions des statuts et du règlement intérieur en ce qui concernent les votes. Au bout du compte, si une décision est prise à la majorité, elle s’impose à tous les militants.
Ainsi :
- La minorité se soumet à la majorité
- Les organes inférieurs se soumettent aux organes supérieurs
III.2 La critique et l’autocritique
- Les insuffisances des militants et des dirigeants doivent faire l’objet de critique mais pour obtenir des améliorations mais non pour détruire.
- Les critiques objectives doivent être reconnues par les militants concernés. Ceux-ci doivent travailler à surmonter les insuffisances décelées à leur niveau avec l’aide de tout le collectif.
Ces principes doivent assurer un fonctionnement efficient et contribuer à l’éducation des militants du syndicat.
IV. Les finances syndicales
Le syndicat a besoin de ressources pour sa vie. Sa santé financière conditionne dans une grande mesure sa capacité à remplir efficacement les missions qu’il s’est assignées. Elle doit lui permettre de préserver son indépendance.
IV.1 Les ressources
Elles sont dites directes et indirectes
Elles sont constituées par les droits d’adhésion et les cotisations. Les droits d’adhésion sont matérialisés par l’achat de la carte de membre. Les cotisations sont fixées par le congrès. Les modes de leur perception sont : le paiement effectué volontairement par le membre, le paiement réclamé par le trésorier et/ou des collecteurs et la retenue à la source ou « check off ». Le paiement de la cotisation est matérialisé par un timbre.
Elles sont constituées essentiellement de :
- dons, legs et subventions
- produits de vente de journaux et autres publications
- produits des activités lucratives
IV.2 L’emploi des ressources et le contrôle
Les ressources du syndicat font l’objet de plusieurs emplois. Ceux-ci sont consignés dans son budget.
Le bureau doit élaborer un budget annuel dont les chapitres essentiels peuvent être :
-pour le fonctionnement
· dépenses administratives et salaires des permanents
· location de salles et matériels, entretien des locaux
· achat de véhicules
· organisation et participation aux congrès, conférences, formation syndicale
· soutien aux grévistes
etc.
-pour les investissements
· construction d’infrastructures (sièges, auberges etc...)
· création d’entreprise : maisons d’éditions, agences de voyage
etc.
DEUXIEME PARTIE : QUELQUES ELEMENTS D’HISTOIRE DU MOUVEMENT SYNDICAL
I. NAISSANCE DU SYNDICALISME : EXPERIENCE EUROPENNE (Française)
Le syndicalisme n’est pas le résultat d’une génération spontanée. Comme tout phénomène de la nature ou social, il est le produit d’une évolution historique qui trouve son explication dans les systèmes ou modes de production économiques qui se sont succédés depuis que la société s’est scindée en classes sociales : les propriétaires des moyens de production et les producteurs des richesses qui en sont dépourvus. Nous nous contenterons ici de quelques rappels sur le mode de production féodal duquel est né le capitalisme.
I.1 Avant les révolutions bourgeoises
La chute de l’empire esclavagiste romain en Europe vers le Vème siècle a produit le système féodal. Les seigneurs (grands propriétaires fonciers dans leurs fiefs, la noblesse) sont alors la classe dominante. La principale richesse était la terre et l’agriculture, l’activité économique principale. Il lui était associé l’artisanat mais qui se pratiquait de manière auxiliaire. Les serfs (paysans) étaient les producteurs au service de ces seigneurs. Ils étaient comme on disait à l’époque, « taillables et corvéables à souhait. » Vers le Xème siècle, les échanges reprennent petit à petit (ils avaient pratiquement disparus car l’insécurité limitait la circulation). Une nouvelle classe sociale (celle des marchands qu’on appelait les pieds poudreux) affirme de plus en plus sa présence dans l’activité économique. Ils sont les ancêtres des grands bourgeois. Les villes reprennent de l’importance. La division du travail entre l’agriculture et le métier est réalisée. Le métier s’est en effet spécialisé et s’est définitivement détaché de l’agriculture. Il est devenu une activité urbaine (avec le commerce) et consacre la division du travail entre la ville et la campagne. Les Etats nationaux se formèrent (les monarchies) et faciliteront le développement de ces activités avec la création des marchés nationaux. Tout ceci a été favorisé par les progrès techniques et la découverte du nouveau monde (exploitation des trésors des colonies, traite négrière, commerce triangulaire). L’accumulation primitive du capital s’est ainsi réalisée. Ces transformations politiques, économiques et sociales se déroulaient sur fond de luttes d’intérêts entre les différents protagonistes qu’étaient les classes et couches sociales en présence. C’est ce qui a expliqué la naissance de divers types d’organisations qui préfigureront le syndicalisme moderne avec l’avènement du capitalisme.
I.1.1 : Les corporations
Elles naissent au XIème siècle. Elles avaient pour rôle premier la protection des métiers contre la concurrence des autres artisans et les exactions des seigneurs qui étaient les propriétaires des villes. Elles étaient hiérarchisées : les maîtres, les valets ou compagnons et les apprentis. Elles harmonisaient les techniques de production, la qualité et les quantités produites, et les prix. Les marchands eux avaient créé les hanses et les ghildes dans les mêmes buts C’est à travers ces organisations que ces bourgeois ont lutté pour obtenir des chartes ou la liberté des villes et qu’ils ont créé les communes ou municipalités.
Ces libertés partielles ou complètes ont été obtenues par la violence (soulèvements contre le seigneur) ou par rachat. Il faut souligner que la bourgeoisie mobilisait les autres composantes de la plèbe derrière elle pour ces luttes. Ainsi, les compagnons et les apprentis étaient les alliés de leurs maîtres. La fracture n’était pas encore nette entre eux. Le compagnon pouvait au début, accéder facilement à la maîtrise et l’apprenti vivait parfois sous le toit du maître. Il y effectuait tous les travaux (y compris ménagers).
I.1.2 : Les confréries
Elles se sont développées parallèlement aux corporations. Elles étaient d’essence religieuse (la religion modulait toute la vie et l’église et l’Etat était confondus). La noblesse, les seigneurs, était laïque et ecclésiastique. La confrérie s’adonnait au culte du Saint patron du métier. Son but était la pratique de la charité ou solidarité. Elles deviendront plus tard des sociétés de bienfaisance ou de secours mutuels. Mais vers le XVème siècle, les maîtres s’accaparent les avantages de ces confréries. Les compagnons créèrent alors les leurs propres. Elles donneront aux compagnons d’autres opportunités ; celle par exemple de soutien aux actions de grève. En effet, avec l’évolution, leurs conditions de vie et de travail s’étaient dégradées. Il était devenu presqu’impossible d’accéder à la maîtrise surtout avec l’institution de l’épreuve du chef d’œuvre. La maîtrise était presqu’exclusivement réservée aux fils de maîtres. Leurs confréries devinrent des soutiens aux actions de grèves (le tric). Les caisses de solidarité se transformèrent en caisse de soutien. Les luttes sourdes entre exploiteurs et exploités se manifestaient ainsi sous leur couvert. Les imprimeurs de Lyon utilisèrent ainsi leur « bourse commune » comme caisse de secours lors de leur grève de 1539 portant sur le taux des salaires, la durée du travail et la limitation du nombre d’apprentis. C’est à cette occasion que le premier texte anti-syndical de l’histoire du mouvement ouvrier français fut pris par la monarchie. Il s’agit de l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 signée par François 1er « interdisant au nom de l’ordre public toute coalition ouvrière ou patronale »
I.1.3 : Les compagnonnages
Les progrès du capitalisme entraînent une cristallisation des classes. La fracture entre maîtres et compagnons s’accentuent et les conflits avec des interventions plus ouvertes des pouvoirs publics contre les travailleurs organisés se multipliaient et ce, aux XVIIème et XVIIIème siècles. Les compagnons créent les compagnonnages. Ils se sont développés au sein des corporations avec lesquels ils sont entrés en contradiction. Ils s’étaient donné pour mission « la défense des pauvres, la défense des plus faibles ». Par le « Tour de France » que les compagnons accomplissaient, le compagnonnage avait tissé un réseau serré de relations à travers le royaume. Ils sont restés des sociétés secrètes jusqu’au XVIIIème siècle pour éviter les interdictions et la répression. Les compagnonnages ont un goût du rite mystérieux dont la franche maçonnerie a hérité. Une des actions mémorables des compagnonnages fut la grève des compagnons drapiers de Darnental (pays rouennais) en 1697, qui dura près d’un mois. Mais avec l’avènement du capitalisme comme système dominant, le compagnonnage se révéla comme une structure réactionnaire. Il s’opposera par endroit même à la création de syndicats modernes
I.2 Les révolutions bourgeoises et
Le capitalisme comme mode de production dominant est intervenu après les révolutions politiques des 17ème et 18ème siècles en Europe. Au 17ème siècle, ce furent les révolutions hollandaise et britannique. Au 18ème siècle, ce fut la révolution française de 1789. Elle jeta bas la monarchie (exécuta Louis XVI et la reine), affirma l’hégémonie politique de la bourgeoisie sur l’aristocratie foncière et ouvrit la voie, sur le plan juridique à l’essor du capitalisme. La classe ouvrière proprement dite était encore embryonnaire à l’image des unités industrielles qui confinaient encore à l’atelier. Sa concentration ira de paire avec celle de la production qu’autorisait le machinisme qui allait révolutionner et l’économie, et toute la société.
Le premier effet de
I.2.1 : La bourgeoisie contre le mouvement ouvrier
Les ouvriers allaient se rendre compte très vite que la révolution politique et sociale qui venait de se réaliser n’était pas la leur. Elle allait plutôt clarifier encore plus les rapports de classes entre la nouvelle classe dirigeante et celle naissante dans le nouveau système qu’est le capitalisme. Le capitalisme, c’est le salariat (vente de la force de travail et extorsion de la plus value) dans l’entreprise, autour duquel vont se tisser les rapports entre le capitaliste et le prolétaire, rapports antagonistes par nature. Les différentes mesures qui allaient être prises illustrent parfaitement cette situation. Ainsi :
- Le décret de mars 1791 dit décret d’Allarde « supprime tous les privilèges de profession et accorde à tout citoyen la possibilité d’exécuter la profession de son choix, pourvu qu’il paye une patente ». Il visait en premier lieu les corporations.
- La loi du 21 juin 1791, dite loi Le Chapelier, interdit toute organisation ouvrière et toute action collective. Elle accuse les travailleurs de vouloir rétablir les corporations en s’organisant pour défendre « leurs prétendus intérêts communs ».
- L’article 1781 du Code Civil (code Napoléon) stipule que pour les questions relatives aux salaires, « le maître est cru sur parole, le salarié étant tenu de fournir les preuves de ce qu’il affirme. »
- Le Code pénal confirme la loi Le Chapelier et aggrave les peines encourues par les grévistes
- La loi du 1er décembre 1803, instituant le livret ouvrier, fait du travailleur un citoyen sous surveillance, soumis à un contrôle spécial tout le long de sa vie.
Cet arsenal juridique consacrait la mise en place d’un système d’asservissement du prolétariat et de son exploitation maximum en France.
I.2.2 : Les luttes de la classe ouvrière pour son droit à l’organisation
La condition ouvrière s’aggrave de manière insupportable. Les travailleurs étaient condamnés à la misère, au paupérisme selon l’expression consacrée de l’époque. C’est ce qu’illustre le Pr. Lajugie « En Grande Bretagne, c’est le rapport Ashley, résultat d’une enquête menée en Angleterre vers le milieu du XIXème siècle, pour étudier les conditions d’emploi des femmes et des enfants dans les mines de charbon.
Le rapport de cette commission d’enquête, publié en 1842, révèle à l’opinion britannique des faits absolument indignes d’un pays civilisé. On apprendra que des femmes et des enfants travaillent dans les mines, au fond des puits, de douze à seize heures par jour. Les enfants sont descendus dans les puits depuis l’âge de six ans; ils sont, à cet âge, chargés de l’ouverture et de la fermeture des portes dans les galeries. De douze à quinze ans, ils montent en grade et sont affectés à la conduite des petits chevaux qui traînent les berlines de charbon, ce qui leur vaut de parcourir chaque jour dix à douze lieux ; après dix huit ans, nouvelle promotion ; ils deviennent bêtes de somme et sont chargés, comme les femmes d’ailleurs, de traîner des bacs de charbon en rampant le long des galeries surbaissées, pleines de flaques d’eau. En Ecosse, on leur impose même de remonter ces bacs à la surface par des escaliers taillés dans le roc.
On devine les conséquences morales de cette promiscuité de femmes, d’hommes et d’enfants au fond des mines ; on comprend la répercussion sur leur santé de telles conditions de travail qui, souligne Disraëli dans son roman Sybil, «semble avoir échappé à l’attention de la société créée pour l’abolition de l’esclavage nègre».
En France, nous disposons pour la même époque du rapport Villermé. En 1840, l’Académie des Sciences morales et politiques charge le Dr Villermé d’étudier les conditions de travail dans l’industrie textile ; il résulte de son rapport que Dans l’industrie textile, le durée de travail atteint dans certaines régions seize à dix sept heures par jour plus le temps nécessaire pour aller et venir de la demeure de l’ouvrier à l’usine, ce qui représente environ une à deux heures, les grands centres urbains n’étant pas encore constitués et les ouvriers habitant souvent les hameaux éloignés.
Dans les usines, l’emploi de femmes et d’enfants est courant depuis le développement du machinisme. Souvent, il n’y a plus qu’à surveiller la marche de la machine ; des femmes peuvent y suffire et les salaires féminins étant plus faibles, elles sont préférées chaque fois qu’il est possible.
Les enfants rentrent à la filature dès l’âge de sept ans ; Villermé en a trouvé de cinq ans. Ils y travaillent de six heures du matin à sept heures du soir dans une température surchauffée, debout toute la journée, et Villermé précise que, parmi les instruments de travail, figure dans toutes les usines le nerf de bœuf destiné à les tenir éveillés.» (Lajugie, 1961, p. 57-59)
Cette condition allait être le ferment des luttes ouvrières que stimulaient les critiques vigoureuses formulées par des penseurs et des théoriciens issus de la petite et de la grande bourgeoisie contre le régime économique imposé par leur classe : Les socialistes utopiques comme Saint-Simon, Fourrier , Cabet, Owen etc. et les socialistes scientifiques K. Marx et Frédrich Engels.
Les actions ouvrières malgré les lois répressives se développaient. Elles prenaient au départ la forme d’émeutes au cours desquelles les ouvriers détruisaient les machines « responsables de leur misère (cf : le mouvement chartriste en Angleterre). Des organisations se créent parallèlement pour « aider les plus nécessiteux » : les sociétés de secours mutuel. Elles se muent en « résistances »( tolérées), qui furent les ébauches des syndicats. Elles furent à l’origine d’événements qui donnèrent le signal des grandes luttes prolétariennes comme la révolte des canuts en 1831 (véritable guerre civile) à Lyon. Cette lutte héroïque des tisserands de Lyon allait faire tâche d’huile. De 1830 à 1847, on a dénombré 1049 grèves en France, sanctionnées par les tribunaux bien qu’en 1834, le pouvoir ait pris une loi interdisant les associations, y compris celles qui se réunissent en fractions de moins de 20 membres.
I.2.3 : Le droit de grève et le droit syndical
La révolution de 1848 qui renversa la monarchie de Juillet fut largement influencée par la présence de la classe ouvrière. Quelques mesures qui lui sont favorables furent prises comme les « ateliers nationaux » pour atténuer le chômage. Les sans travail y recevaient un mini salaire. Mais, ils furent supprimés quand la bourgeoisie avec l’appui de la petite bourgeoisie et les paysans affolés par le mythe des « partageux », se libère de l’influence prolétarienne. L’insurrection prolétarienne qui s’en suivit à Paris en juin 1848 fut écrasée dans le sang.
Mais la bourgeoisie fut incapable de contrôler la situation qui favorisa l’avènement du second empire. Le 25 mai 1864, celui-ci accorda le droit de grève mais la législation contre les organisations ouvrières fut maintenue.
Le second empire a correspondu en France au démarrage du grand capitalisme avec la concentration de la production.
La classe ouvrière durcit les luttes. Ainsi, en 1868, à Lyon, se déroule la première grande grève féminine- victorieuse- de l’histoire sociale française. Un journaliste conservateur parla « de la malaria du moment, du vertigo des grèves qui affole les cervelles ». Les mutuelles se transforment dans la pratique en Caisses de résistance et en chambres syndicales. L’Etat recourt à une dure répression avec des dizaines de tués et des procès en cascades.
L’Association Internationale du Travail ( La Commune de Paris (premier pouvoir prolétarien) de 1871 fut animée en grande partie par l’intermédiaire des chambres syndicales dans lesquelles les militants ouvriers formés à l’école de l’A.I.T jouèrent un rôle important. Après l’écrasement de la commune, les poursuites judiciaires et l’état de siège furent complétés par la loi Dufaure du 14 mars 1872. Son article 1er interdit « toute association internationale, qui sous quelque dénomination que ce soit et notamment sous celle d’Association Internationale des Travailleurs, aura pour but de provoquer la suspension du travail, l’abolition du droit de propriété, de la famille, de la patrie, de la religion ou du libre exercice du culte ». L’existence d’une telle association sur le territoire français était considérée comme une atteinte à la paix publique. Ce texte visait selon le ministre de l’intérieur de l’époque, Thiers, à empêcher l’association des « malfaiteurs étrangers » aux « efforts des malfaiteurs français ». Il qualifie les grévistes « d’ennemis de la libération du territoire » qu’il faut « réduire par la force et la justice »
Mais, dès 1872, on dénombrait 151 grèves. L’idée restée debout est celle consignée dans les statuts de l’internationale, élaborée par K . Marx « l’émancipation de la classe ouvrière doit être celle de la classe ouvrière elle-même. » La renaissance du mouvement syndical est marquée par le premier congrès ouvrier à Paris en 1876. 76 groupements professionnels y étaient représentés par 360 délégués.
Le deuxième se tient en 1878. La motion finale prise par ce congrès posait déjà la revendication de la journée de travail de 8 heures en ces termes « La journée de l’homme doit être ainsi remplie : 8heures consacrées au travail de la profession, 8 heures dites de loisirs destinées aux recherches scientifiques, littéraires, aux exercices gymnastiques, à la culture littéraire etc. et enfin 8 heures de sommeil ». C’est cette revendication que reprirent à leur compte les ouvriers de Chicago le 1er Mai 1886 avec la grève dure et violente sauvagement réprimée par la bourgeoisie américaine. En 1889, Le congrès de Marseille de 1879, jeta les bases d’une Fédération des Travailleurs Socialistes de France.
La légalisation des syndicats intervint le 21 mars 1884 avec la loi Waldeck- Rousseau. Elle ne faisait qu’entériner une situation de fait. 670 syndicats existaient en1883. Les bourses du travail créées à l’origine pour la mise en rapport entre offres et demandes de travail, seront transformées par les ouvriers en « des centres d’organisation des travailleurs, de formation des militants, d’élaboration des revendications et de mûrissement des solidarités de classe. »
Le mouvement syndical se développait. Plusieurs fédérations et syndicats autonomes virent le jour. Ce sont ces organisations (28 fédérations d’industries et de métiers, 18 bourses du travail et 126 syndicats autonomes) qui signèrent le 28 septembre 1895 à Limoges, l’acte de naissance de Il faut préciser que les développements ci-dessus comme on peut le noter se sont fondés sur l’expérience historique française sur laquelle des éléments d’informations plus exhaustifs sont plus facilement accessibles en l’état actuel de nos recherches. Autrement, il convient de signaler que c’est en Angleterre que les premières tentatives d’organisation syndicale moderne virent le jour. Ce pays a été la patrie du capitalisme. C’était là où la révolution industrielle avait pris naissance. La révolution bourgeoise anglaise s’était effectuée dès le milieu du 18ème siècle. Le prolétariat s’était développé concomitamment au décollage économique que ce pays connaissait. Dès les années 1720, les tentatives d’organisation de la classe ouvrière virent le jour. Elles prenaient la forme d’associations telles celles des maîtres tailleurs, des couteliers et des ouvriers de la laine. Les revendications portaient sur la réduction des heures de travail et l’augmentation des salaires essentiellement. A l’instar de la bourgeoisie française, celle anglaise vota en 1799 une loi réprimant toute coalition quelle qu’elle soit suite au développement des luttes ouvrières. Les Trade Unions furent créées en 1868
En 1886, le syndicalisme américain s’organisa suivant le modèle anglo-saxon et se regroupa autour de Le mouvement syndical connaîtra un essor remarquable au cours du 20ème siècle dans les différents pays capitalistes et socialistes. C’est ce qui autorisera la création de regroupement internationaux selon les différentes obédiences. Ainsi :
- En 1920 naissait - En 1921 ce fut le tour de l’Internationale syndicale rouge après la révolution socialiste d’octobre en URSS et la création de - En 1945, Fédération Syndicale Mondiale vit le jour regroupant tous les syndicats des pays capitalistes et socialistes à l’exception des syndicats chrétiens.
- En 1949, une scission opérée au sein de Du point de vue politique, ces obédiences peuvent être classées dans la typologie suivante :
- Les syndicats corporatifs et les syndicats réformistes : Ce sont des syndicats qui ne remettent pas en cause le système politique et économique en place (le capitalisme). Ils travaillent même à sa préservation. Les corporatifs se contentent de la défense pure des intérêts des travailleurs et se préoccupent peu du cadre politique qu’ils ne remettent nullement en cause. Ils sont adeptes du capitalisme libéral. L’exemple type est donné par l’AFL aux Etats Unis. Les syndicats réformistes participent de la lutte pour les réformes au sein du système pour lui imprimer un caractère plus social. Ce sont les partisans de l’Etat providence. On peut citer les syndicats proches des divers courants sociaux démocrates (trade unions anglais, certains syndicats allemands et des pays scandinaves en Europe, les syndicats chrétiens).
- Les anarcho-syndicalistes et les syndicats révolutionnaires. Tous remettent en cause le système politique et économique en place. Il ne peut être obtenu que des améliorations des conditions des travailleurs sous ce système. Les solutions définitives ne viendront qu’avec sa disparition. Mais tandis que les syndicats révolutionnaires acceptent que le syndicat n’a pas pour rôle la prise et l’exercice du pouvoir d’Etat mais peut soutenir une force politique qui prend en compte ces aspirations (CGT en France, CGT-B, les anacho-syndicalistes se divisent en deux courants : le premier, les anarchistes, refusent même l’existence de l’Etat et partant toutes formes d’organisation et de contrainte(certains syndicats espagnols) ; le second, les anarcho-syndicalistes purs attribuent au syndicat le rôle de prise du pouvoir et son exercice par le syndicat une aile scissionniste de - Les syndicats associés au pouvoir : Ce fut le cas des syndicats révolutionnaires après la prise du pouvoir dans les pays anciennement socialistes jusqu’aux déviations qui ont produit Solidarnosk en Pologne et à la chute du communisme et des pays sous-développés à parti unique tels ceux de beaucoup de pays africains avant l’ouverture démocratique imposée par les luttes des peuples africains et le sommet de II. Naissance du syndicalisme en Afrique
Les sociétés pré coloniales africaines ne connaissaient pas l’existence d’organisations de type syndical. Le développement économique et social n’autorisait pas leur existence. La seconde division sociale du travail( celle entre l’agriculture et le métier) n’était pas réalisée. L’urbanisation était absente ou embryonnaire. Cette situation ne pouvait pas produire même les corporations. Les sociétés les plus avancées du point de vue de l’évolution économique et sociale en était encore au système semi-féodal avec une économie patriarcale et la production marchande simple. Il existait des structures dans certaines parties de l’Afrique noire comme les associations de culture, les groupes d’âge ou les castes : forgerons, griots.
C’est la colonisation, produit de l’impérialisme de l’Europe qui allait introduire les rapports capitalistes dans ces sociétés arriérées. Ce mode de production n’est pas le produit d’une autodynamisme interne, mais une greffe qui allait expliquer et expliquent leur situation de sous-développement actuel. Le salariat fut donc introduit par ce biais. Mais, les formes de rapports allaient varier. Les « indigènes » connaîtront l’esclavage, les travaux forcés, les travaux d’intérêts communs.
II.1 Le droit de se syndiquer
Le droit de se syndiquer a été reconnu par un décret du 11 mars 1937 pour les colonies françaises avec l’arrivée du gouvernement du Front Populaire de Léon Blum en France. Mais ce droit ne concernait que les « évolués ». Il fallait savoir lire et écrire et avoir le niveau du CEPE. La plupart de ces évolués se syndiquaient dans les syndicats de la métropole, notamment,
L’Angleterre, la plus grande puissance colonisatrice en Afrique a reconnu le droit de grève pour les travailleurs « indigènes » aussi en 1937. Quant à
II.2 La reconnaissance du droit d’organisations syndicales africaines
Un décret de juillet 1944 généralisa ensuite l’institution des syndicats professionnels en Afrique Noire et la constitution de 1946 reconnut expressément le droit syndical dans les colonies françaises.
Ces légalisations ont été la résultante des luttes organisées par les travailleurs africains :
- grève des cheminots sénégalais de Thiès en 1938 qui fut durement réprimée,
- grève générale déclenchée au Sénégal en 1946,
- longue et dure grève des cheminots de 1947(5 mois et 10 jours) qui a dû son succès grâce entre autres aux femmes des syndicalistes qui ont soutenu leurs maris de manière multiforme (vente de bijoux pour subvenir aux besoins de la famille, initiatives diverses).
- grève générale dans toute l’AOF qui a abouti au vote du code du travail le 15 décembre 1952
Les syndicats qui se créaient en Afrique l’étaient autour des différentes obédiences internationales ci-dessus indiquées. Les regroupements régionaux ou africains de même. :
- - - En 1957, l’Union Générale Des Travailleurs d’Afrique Noire fut créée à Cotonou regroupant l’ensemble des syndicats africain. Mais En Afrique Equatoriale Française (AEF), la naissance des syndicats date de 1952.
Des hommes politiques comme les présidents Houphouet Boigny de Côte D’Ivoire, Sékou Touré de Guinée, Ouezzin Coulibaly ( qui créa dès 1937 un syndicat d’enseignants avec le soudanais Mamadou Konaté),Maurice Yaméogo de Haute Volta(Burkina Faso), le ministre de l’intérieur et président de l’Assemblée Nationale de Haute Volta, Joseph Ouédraogo , Tom Boya premier ministre du Kenya etc., ont fait leurs premières armes dans les syndicats.
III FICHE SIGNALETIQUE DE L’HISTOIRE DU SYNDICALISME EN HAUTE VOLTA (chronologie)
III .1 QUELQUES DATES REPERES
1945-1947 : siège des syndicats voltaïques à Abidjan, Bamako et Niamey pays supprimé en 1932 et réparti entre Implantation en Haute Volta
A Bobo-Dioulasso
1945-46 : implantation de Travaux de construction du chemin de fer, quelques entreprises de BTP de commerce et de service.
- Syndicat du chemin de fer avec la construction du chemin de fer Abidjan-Niger
- Syndicat africain du bâtiment et de la métallurgie
- Syndicat des employés du commerce, du bâtiment, de la métallurgie et des banques
Ces deux derniers créèrent le 4 novembre 1948, l’Union des Syndicats Confédérés de Haute-Volta(U.S.C.H.V)
1948
- syndicat mixte du personnel des transmissions
- syndicat des employés européens des maisons de commerce des transports et des entreprises industrielles.
A Ouagadougou
« Vicaire apostolique Monseigneur Joanny Thévénoud rappelle aux travailleurs chrétiens la lettre encyclique du Pape Pie XI qui condamne le communisme comme une doctrine perverse et les a mis en garde contre le RDA à cause de son appartenance au PCF. Cette mise en garde avait pour principal objet d’empêcher les travailleurs chrétiens d’adhérer aux syndicats affiliés à 1948 :
Jusqu’à cette date, il n’y avait qu’un atelier de tissage à la mission catholique, et quelques ateliers de mécanique et menuiserie. Après la reconstitution du pays le 4 septembre 1947 : mise en construction du chemin de fer par les Dragages et implantation de l’entreprise de construction Hersant-L.T.P.A : condition de développement du syndicalisme à Ouaga.
- syndicat des ouvriers, mécaniciens, menuisiers, maçons et électricité
- syndicat des commis expéditionnaires
1949-1950 : création de Quelques membres du Bureau issu du congrès de 1954 :
Président : Joseph Ouédraogo
Secrétaire Général : Frédéric Guirma
Secrétaire Général Adjoint : Maurice Yaméogo
Trésorier Général : Amadou Ilboudo
Au plan national
1952 : création de
Premier bureau
Président : Jean Coteau
Secrétaire Administratif : Sow Ibrahim
Secrétaire Général : Daga Hama
Secrétaire à
1957 : création de l’UGTAN :
1958 : USCHV devient Union Territoriale des Travailleurs de Haute Volta(UTTHV) (secrétaire général : Kane Nouroudine) section de l’UGTAN puis Union Nationale des Travailleurs Voltaïques (UNTV), puis USTV.
En 1959 : 3 centrales syndicales et 1 syndicat autonome
- Union Territoriale de - UNTHV-UGTAN devenue Union Syndicale des Travailleurs Voltaïques (USTV) en 1962 après l’expulsion par le Président Maurice Yaméogo de ses deux premiers responsables Ly Mohamed et El Hadj Coulibaly Famory taxés d’étrangers, aujourd’hui USTB
- Confédération Africaine des Syndicats Libres (CASL) devenue l’Organisation Voltaïque des Syndicats Libres (OVSL) en 1964, aujourd’hui ONSL
- Union des Syndicats de l’Aviation Civile(USAC)
Après 1960
1974 : création de 1974 : création du comité intersyndical des weurs voltaïques par CNTV, CSV, OVSL et USTV : mort en 1975
1978 : création de l’Union Générale des Travailleurs Voltaïques (UGT-V)
1988 : Création de 1995 : Création de l’Union Nationale des Syndicats Libres-Force Ouvrière (UNSL-FO) ?
III.2 LES GRANDES LUTTES UNITAIRES DE
1- Soulèvement populaire du 3 janvier 1966.
Réaction des centrales syndicales CATC, OVSL, USTV et de 8 syndicats autonomes aux mesures anti-populaires contenues dans le projet de loi de finances 1966 du gouvernement de la 1ère République de Maurice Yaméogo :
- abattement des salaires de 20%
- réduction des allocations familiale de 1500 FCFA à 700 FCFA et jusqu’à concurrence de 6 enfants
- augmentation des impôts
- blocage des avancements pour 2 ans dans la fonction publique.
Les syndicats avaient mis sur pied un Comité d’Action. La grève fut totale le 3 janvier et suivie de manifestations. Les manifestants appelèrent l’armée à prendre le pouvoir. Le président Maurice Yaméogo démissionna et le colonel Lamizana, le chef d’Etat major général des armées prit le pouvoir.
2- Grève historique des 17 et 18 décembre 1975 :
Centrales syndicales : CNTV, CSV, ONSL, USTV
Plate forme revendicative :
- relèvement des salaires d’au moins 30%
- règlement correct du contentieux du Sahel
- garanties des libertés démocratiques et syndicales
- retour à une vie constitutionnelle normale et retour inconditionnel des militaires à la caserne.
Elle fut totale et son caractère politique, prononcée. Il fallait faire échec à la velléité de création d’un parti unique par le pouvoir militaire (Gouvernement du Renouveau National GRN) du général Lamizana (Le mouvement national pour le renouveau, M.N.R). Le gouvernement fut contraint de renoncer à son projet. Le GRN fut dissout, un gouvernement d’union nationale mis en place qui prépara le retour à une vie constitutionnelle normale en 1978.
3- Grève générale le 24 Mai 1979 pour exiger la libération de Boniface Kaboré (SG de l’OVSL) et Ira Abdoulaye interpellés et déférés à 4- Grève générale le 3 janvier 1980 contre le projet de loi anti-grève de
III.3 Résistance aux tentatives de liquidation
1-1980- 1982 Escalade répressive du CMRPN des colonels, Saye Zerbo en tête
- Prononciation du discours programme du CMRPN le 1er mai 1981, jour de la fête des travailleurs ;
- Arrestations de travailleurs à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso (dont de nombreux enseignants sur dénonciation d’un de leurs élèves Sanou Abdoulaye Baba pour appartenance au PCRV
- Répression de l’AEVO (6-11 avril 1981) avec arrestation de son président qui passera une année à la gendarmerie ; arrestation de Norbert Zongo qui avait réussi à échapper à la police politique du général Eyadéma au Togo.
- Suspension de 3 à 6 mois de 129 travailleurs du STOV section de Ouagadougou et déportation de 10 d’entre eux au bagne de Dori.
- Suppression du droit de grève en Haute-Volta par l’ordonnance n°0041/PRES/CMRPN du 1er novembre 1981, complétée par le décret n°81/0533/CMRPN du 22 novembre punissant d’une amende de 100000 à 250000fcfa et d’un emprisonnement de 3 à 6 mois ou de l’une de ces 2 peines seulement tout contrevenant aux dispositions de l’ordonnance sus-citée. L’article 2 du décret stipule que pourra être dissoute toute organisation professionnelle qui aura contrevenu aux dispositions de cette même ordonnance.
- Dissolution de - Procès en mai 1982 de 82 militants de syndicats de base de l’ex -CSV pour fait de grève après leur suspension de leur fonction pour une période 6 mois.
3- 1983-1987 : Offensive lourde et généralisée du CNR et de ses CDR contre le mouvement syndical
Il est difficile de rentrer dans tous les détails des actes répressifs du pouvoir du CNR contre le mouvement syndical de notre pays qu’il a ambitionné de liquider d’abord, de caporaliser ensuite :
- Dès octobre 1983 soit 2 mois à peine après son coup d’Etat, le CNR par ses CDR déclenche la propagande sur la nécessité en ce qui concerne le mouvement étudiant sur le campus de Ouagadougou, de la liquidation de l’AEVO et son remplacement par « une organisation véritablement révolutionnaire des étudiants » ; pour les travailleurs dans les services, les AG-CDR appelaient au remplacement des syndicats par les CDR sous prétexte que « les syndicats représentent et défendent les intérêts d’une minorité privilégiée tandis que les CDR représentent et défendent les intérêts de la majorité »
- La répression du mouvement syndical allait commencer en mars 1984 avec l’arrestation des responsables du SNEAHV et le licenciement effectif et sans droit de 1380 militants grévistes de ce syndicat.
- Les arrestations dans différents secteurs d’activités (université, LNBTP etc.) se poursuivront durant l’année 1984, avec comme soubassement une propagande terroriste tous azimuts dans la presse écrite et audiovisuelle. Ainsi, Le Carrefour Africain n°854 du 26 octobre 1984 titrait « Le CNR à l’assaut du gauchisme : l’intoxication et la perturbation seront attaquées aux lance-flammes ». Le journal reprenait un extrait du discours du capitaine Thomas Sankara, Président du CNR, lors d’une visite à la mine d’or de Poura. Le président du CNR s’en prenait ainsi à ceux que les militants de - La répression allait s’intensifier suite à la publication de la déclaration du 28 janvier 1985 signée par 11 syndicats dans laquelle les responsables syndicaux appelaient à la défense des libertés démocratiques et du pouvoir d’achat des travailleurs attaqués par les différentes mesures du CNR.(cf. déclaration du 28 Janvier.)
- Une hystérie répressive s’est alors emparé du CNR, de ces CDR. 10 des responsables syndicaux furent suspendus tandis que le 11 est dégagé. Des mesures ségrégationnistes telles l’interdiction d’accès au bus X9, aux logements SOCOGIB, Cités ANII et Cités du 4 Août, paiement des frais de loyers et de l’impôt de capitation (qui avaient été supprimés) renforcèrent ces sanctions. Certains d’entre eux comme Kouanda Ousmane du SYTTPBA (dont la maison fut prise d’assaut à l’heure du couvre feu avec jet de grenade et tirs de kalachs) et Hubert Yaméogo du SYNTSHA furent arrêtés. D’autres comme Halidou Ouédraogo du SAMAB et feu Aimé Nikiéma du SYNTER durent rentrer en clandestinité. Le 2 février 1985, à l’occasion du lancement de la bataille du rail, le capitaine Pierre Ouédraogo Secrétaire Général National des CDR promettait de faire fusiller au poteau n°5 les « anarcho-syndicalistes » et invitait les CDR à prendre leur responsabilité. Depuis lors, il se passait rarement un conseil des ministres le mercredi sans que des suspensions et des dégagements de travailleurs ne soient prononcés. C’est par fournées entières que sur toute l’étendue du territoire national, élèves, étudiants et travailleurs étaient arrêtés et jetés en prison dans les multiples lieux de détentions que sont les camps militaires, les structures de police et de gendarmerie, les permanences CDR etc. où ils subissaient les tortures les plus inhumaines. Les réunions des travailleurs étaient soit interdites, soit attaquées comme ce fut le cas du meeting du 1er mai 1985 du front syndical par un commando de CDR conduit par Norbert Tiendrébéogo. Le 1er mai 1987, la bourse du travail fut occupée par les chars des militaires du BIA de Koudougou. Des DCA y étaient dressées. Les organisations syndicales du pays s’étaient retrouvées pour une commémoration unitaire de l’évènement. Malgré l’occupation de la bourse du travail, les travailleurs s’étaient fortement mobilisés à ses alentours et attendaient les instructions de leurs premiers responsables. Certains d’entre ces derniers, qui avaient été informés la nuit de ce que le pouvoir avait entrepris, ont disparu de la circulation. Les autres qui étaient présents demandèrent aux travailleurs de prendre acte de ces agissements du CNR et de rentrer dans le calme chez eux sans céder à la provocation.
Le CRN pensait porter le coup de grâce au mouvement syndical à partir de Mai 1987. Un communiqué du ministre de l’Administration Territoriale le commissaire de police Ernest Nomgma Ouédraogo, en date du 4 mai, enjoignait aux associations et syndicats, de renouveler leur direction avant le 15 juin. Un complot avait été ourdi pour s’emparer des directions des organisations syndicales. Sur toute l’étendue du territoire national, les responsables de beaucoup de syndicats étaient arrêtés et jetés en prison. Un congrès extraordinaire était convoqué et un bureau fantoche était mis à la tête de l’organisation. C’est ainsi que ces organisations furent victimes de véritables putschs (CSB, SYNTSHA, ONSL, CNTB etc.)
C’est le coup d’Etat du 15 octobre conséquence entre autre de la résistance de notre peuple face à la politique répressive du CNR qui aggravera ses contradictions internes qui interviendra pour donner un répit au mouvement syndical.
Au total, le bilan non exhaustif fait par le front syndical au sortir de cette période donne
- 1380 enseignants du primaire licenciés
- 47 militants licenciés ou dégagés
- 90 cas de suspensions
- 200 cas d’arrestations
- 47 cas de tortures
- 55 cas de bourses coupées
- 15 cas d’exclusions d’élèves pour appartenance à l’AESO
- 3 occupations de sièges (ANEB, SYNTER, SYNTSHA)
- une vingtaine de levées d’AG et d’interventions armées
- d’incessantes mutations de responsables et militants syndicaux dans le but de désorganiser les syndicats.
Pour plus de détails, voir dossier sur la répression du mouvement syndical sous le CNR du FS mars 1988.
Cette furie répressive contre le mouvement syndical faisait le bonheur de l’impérialisme français. L’ambassadeur M. Alain Deschamps s’exprime ainsi à ce propos dans son livre intitulé « Burkina Faso (1987-1992 », le pays des hommes intègres » «
Les militants du mouvement démocratique et révolutionnaire ont dû tendre les forces à l’extrême pour résister à cette volonté manifeste de destruction de la part du CNR. Avec beaucoup de courage, d’intelligence et surtout, le soutien du peuple, ils ont réussi à préserver l’essentiel, l’idéal aidant. Ils ont accepté de payer le prix fort pour ce faire dans le contexte de l’expérience de la lutte de notre peuple du moment. Le Front Syndical, composé des syndicats signataires de la déclaration du 28 janvier 1985[2] (moins 4- 1988- 2000 Velléité de poursuite de la politique répressive du CNR par le Front Populaire et
Après les premiers moments de son avènement où le FP et sa rectification ont espéré un soutien de la part du mouvement démocratique et révolutionnaire de notre pays, la même politique répressive du CNR fut appliquée.
Le mouvement syndical dans une unité d’action retrouvée, a tenu des états généraux du syndicalisme burkinabè les 15,16 et 17 novembre 1991. Le thème de ces Etats Généraux a été « Dans le PAS et l’Etat de droit naissant, quelles perspectives pour les travailleurs Burkinabè. » Le FP avait en effet engagé le pays dans les PAS des institutions de Bretton Woods en mars 1991 et la constitution (à l’écriture de laquelle les organisations syndicales ont participé) a été adoptée par le référendum du 2 juin 1991. Une plate forme revendicative qui synthétisait les préoccupations du monde du travail en matière de libertés démocratiques et de pouvoir d’achat y fut adoptée. Il s’en suivit des négociations gouvernement- syndicats du 12 au 17 décembre 1991 dont le résultat principal fut la signature d’un protocole d’accord. Quelques acquis avaient été concédés au mouvement syndical. Le 1er mai 1992 fut commémoré de manière unitaire. Par la suite, l’unité ponctuelle réussie au cours des états généraux volera en éclat. Le gouvernement ne voulut pas satisfaire les promesses contenues dans le protocole d’accord. L’attitude face à ce refus du gouvernement allait briser l’unité d’action. Le mouvement syndical se scinda en deux pôles : le groupe des 13 et le collectif CGTB (
L’offensive du FP contre le mouvement démocratique sera marquée particulièrement par les évènements de mai 1990 à l’université de Ouagadougou. Suite à un meeting suivi de marche organisé par l’ANEB pour appuyer ses revendications, le régiment de sécurité présidentiel fut lancé contre les étudiants.
Une répression d’une rare violence fut déclenchée. Les étudiants et même des professeurs (Alfred Traoré par qui le malheur est arrivé) furent bastonnés à sang. Le recteur Sawadogo Alain Nindawa, PA au point arpentait le campus à la tête des commandos pour indiquer les responsables et militants de l’ANEB. Beaucoup d’entre eux (200 environ) furent arrêtés et transportés au Conseil de l’Entente dans des coffres de voitures pour certains. Salif Diallo était aussi sur les lieux. Ils y furent torturés à souhait. Dabo Boukary, étudiant en 7ème année de médecine est porté disparu depuis lors. Le ministre des enseignements secondaire et supérieur de l’époque, M. Nacro Moussine déclarera qu’il s’était « évadé » du Conseil de l’Entente. D’autres responsables de l’ANEB durent entrer en clandestinité. Ceux qui avaient été appréhendés furent dispersés dans différents camps militaires du pays, où ils furent longtemps détenus et torturés.
En 1995, deux élèves du CEG de Garango Zidiani Blaise et Zigani Emile, furent froidement abattus par des gendarmes, le 9 mai, lors d’une manifestation organisée par les élèves de cette localité en soutien aux SNESS et au SYNTER qui, en unité d’action avait entrepris de bloquer les examens de fin d’année pour l’application d’un protocole d’accord arraché lors d’une précédente lutte unitaire en 1993.
Il faut mentionner enfin la grève des gardes permanences et tournées du SYNTSHA du 17 juin au 15 juillet 1997. Le pouvoir usa de manœuvres diverses pour interdire la grève dont un avis de la cour suprême qui déclarait l’action illégale. Mais le SYNTSHA demeura ferme sur ses positions. Le mouvement connut un grand succès dès son lancement. Le pouvoir passa des menaces et intimidations aux actes. Le 25 juin 1997, deux décrets furent pris en conseil des ministres.
Le décret n°97-227/PRES/MFPDI/MEF/MS portant révocation de 16 travailleurs de
Le décret n°97-273/PRES/PM/MFPDI/MS/MEF portant abaissement d’un échelon à 150 autres travailleurs.
Devant cette volonté manifeste de liquider le syndicat, les travailleurs de la santé humaine et animale réagirent par une mobilisation et une détermination sans faille. En plus des actions précédentes, une grève de 10 jours fut décrétée par le syndicat. La lutte du syndicat plongeait le pays dans une crise nationale.
Des offres de médiations furent faites par des organisations et des personnalités de tous bords. Le pouvoir fut obligé de s’asseoir à la table de négociations au bout desquelles, les mesures de révocation et d’abaissement d’échelon furent levées.
Nous passons sur les événements de Sapouy avec l’assassinat et la carbonisation de Norbert Zongo et ses trois compagnons d’infortune le 13 décembre 1998, un message très fort adressé à toutes formes d’opposition au pouvoir, à notre peuple en fait. Ce peuple a bien compris ce message, lui qui s’est dressé puissamment dans le CODMPP (dans lequel les syndicats révolutionnaires occupent une place de choix) pour arrêter cette velléité de plonger le pays dans le terreur pour régner sur un cimetière.
« Si tu fais, on te fait et il n’y a rien » étaient les propos tenus dans les cercles du pouvoir. Le pays est depuis plongé dans une crise structurelle qui ne fait que s’élargir et s’approfondir. Il en est de même de l’assassinat du petit Nébié Flavien par un gendarme à Boussé suite à une manifestation des élèves pour soutenir les étudiants en lutte contre la refondation de l’université décrétée par le pouvoir de
L’unité d’action du mouvement syndical reprendra en 1999. Les deux groupes se rapprochèrent. Feu Ira Abdoulaye, SG de l’ONSL doit être retenu comme un des responsables syndicaux qui s’est battu de toutes ses forces pour la concrétisation de cette unité d’action qui perdure jusqu’à nos jours. Cette unité d’action entre les six centrales syndicales et la majorité des syndicats autonomes( une quinzaine) a permis l’organisation de puissantes luttes(grèves, marches-meetings) qui ont contraint le pouvoir à concéder des acquis importants pour l’amélioration des conditions de vie et travail des travailleurs.
Exposé par GUIRO Boussé
Séminaire de formation syndicale sur le thème : « Recrutement et Syndicalisation dans le secteur des finances » Centre d’Education Ouvrière de Ouagadougou, du 27 au 28 juin 2008
[1] Les mots pour désigner ces associations ont variés selon les pays et le contenu :
- trade-union en Angleterre c’est-à-dire union de métier
- syndicat en France, c’est-à-dire, groupement ayant un représentant, le syndic. le mot syndicat désignera un groupement d’ouvriers à partir de 1839
- Gewerkschat en Allemagne, c’est-à-dire membre d’une profession et, à partir de 1868, organisation d’ouvriers industriels
- Associaçio de clase (association de classe) au Portugal.
[2] Composition du Front Syndical : FSB (les boulangers), SNAID(impôts et domaines), SYNTB ( les brasseries), SYNTER (éducation et recherche), SYNTETH(environnement, tourisme et hôtellerie), SINTRAGMIH (géologie, mines et hydrocarbures), SYNTSHA(santé humaine et animale), SYTTPBA(travaux publics, bâtiments et assimilés), UGEB.